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le souvenir de votre mère? Il me semblait vous avoir ouï dire que vous ne saviez rien, et cette lettre dont vous
me parlez et que vous m'avez fait lire, ne dit pas un mot à ce sujet.
X. COMMENT ESPÉRANCE EUT PIGNON SUR RUE 91
La belle Gabrielle, vol. 2
 La mienne, non, répliqua Espérance; mais souvenez-vous que je vous en ai porté une aussi à vous, une de
la même écriture.
 C'est vrai; eh bien?
 Celle-là, vous la teniez ouverte à la main, le premier jour que j'eus l'honneur de vous entretenir à votre
camp.
 Peut-être; qu'en concluez-vous?
 Mes yeux, en s'y portant par hasard, oh! sans indiscrétion, je vous jure, ont lu ces mots: de Venise, au lit
de la mort.
Crillon tressaillit.
 Et ces mots-là, monsieur le chevalier, je ne les ai jamais oubliés depuis, car ils avaient été tracés par la
même main qui m'avait écrit à moi, la main de ma mère! et ce lit de mort était celui de ma mère...
Crillon garda le silence.
 De sorte que l'envie de pleurer m'ayant pris, ajouta Espérance, j'ai été m'enfermer à Venise, et j'ai cherché
avec les yeux du corps, avec ceux de l'âme, l'endroit où s'était exhalé le dernier soupir de ma mère infortunée.
Nul ne me connaissait. Je ne voulais interroger personne. Il y avait un mystère sacré pour moi autour de cette
tombe. Mais j'ai continué à chercher. Les palais, les églises, les couvents, tout ce qui est silencieux et sombre,
tout ce qui est pompeux et bruyant, la basilique peuplée et le cloître désert, la ruine où pend le lierre, le jardin
où vient le jasmin et la rose, j'ai tout exploré, tout questionné dans mes épanchements douloureux. Je me suis
fait une loi de fouler dalle par dalle toute la place Saint-Marc, toute la Piazzetta, tout le quai des Esclavons
jusqu'aux Cantieri, persuadé qu'il n'est pas une âme à Venise qui n'ait promené là son corps, persuadé, par
conséquent, que ma mère avait posé le pied là où je marchais. Combien de fois j'ai, le dernier, quand tous les
bruits s'éteignent, promené ma gondole par les détours de la lagune, et regardé le ciel, et regardé les palais qui
se mirent dans l'eau, et regardé le lion d'airain, ce ridicule mélancolique que ma mère avait regardé aussi. Que
de fois, traversant par une belle lune les méandres fleuris des îles voisines, ne me suis-je pas dit que c'était
une belle place pour une tombe mystérieuse, que ces oasis de joncs odorants, de grenadiers, d'aloès et de
tamarins aux senteurs de miel, et là dans ces solitudes, partout où j'ai vu brûler la lampe tremblotante d'une
obscure Madone, partout où j'ai vu monter les cyprès dans l'herbe derrière les contreforts d'une église en ruine,
je me suis dit: Cette lumière est peut-être entretenue aux frais de ma mère. Peut-être elle dort sous ces grands
arbres noirs! Et je pleurais. Et j'aimais ma mère! c'est si bon d'aimer quelqu'un!
Crillon s'était levé, tournait le dos à Espérance et marchait par la chambre en bousculant du pied, du coude et
de l'épaule chaque meuble qui se rencontrait sur son capricieux chemin.
 Vous riez de moi, n'est-ce pas? dit Espérance.
Crillon, sans montrer son visage, sans répondre, haussa deux ou trois fois les épaules, et après s'être enseveli
dans la cheminée:
 Il fume beaucoup, dit-il, dans cette chambre; j'en suis aveuglé en vérité.
Et il ouvrit rudement les deux battants de la fenêtre. Apparemment c'était la fumée qui avait rougi les
paupières du bon chevalier.
X. COMMENT ESPÉRANCE EUT PIGNON SUR RUE 92
La belle Gabrielle, vol. 2
L'air emporta bientôt tout cela, fumée ou souvenir.
 Je suppose que vous avez assez pleuré comme cela, dit Crillon, puisque vous voilà revenu.
 Je reviens parce que vous m'appelez.
 Mais, moi, je vous appelais pour obéir à l'injonction de l'épître anonyme; vous ne me parlez pas des dangers
que vous avez courus?
 Moi, s'écria Espérance, je n'en ai couru aucun, et je fusse resté certainement là-bas, sans deux causes qui
m'en ont fait partir.
 Ma lettre, n'est-ce pas, et puis?
 Et puis une raison... des plus prosaïques.
 Laquelle?
 Je n'avais plus d'argent.
Crillon se mit à rire.
 Vous avez été volé peut-être?
 Non pas. J'ai cessé de recevoir mes revenus.
 Quoi! cette magnifique régularité dont vous vous émerveilliez chaque mois....
 Évanouie. Voilà trois mois que je n'ai rien reçu. Voulez-vous que je vous dise mon sentiment?
 Un second Spaletta?
 Mieux que cela. Ma fortune était une chimère; le vieillard aux cheveux blancs sera mort, on aura servi mes
rentes à quelque autre.
 Allons donc.
 Ruiné en amour, ruiné en finance, je suis ruiné partout, monsieur le chevalier.
 Voilà qui est bon, dit Crillon en lui frappant affectueusement sur l'épaule, n'ayant plus d'argent vous serez
moins volage; vous resterez près de moi. Mais que dis-je, vous aurez toujours de l'argent, Espérance, puisque
j'en ai toujours.
 Monsieur....
 Ah! je n'y vais pas par vingt mille écus comme le vieillard aux blancs cheveux; mais j'aurai sur lui [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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